Les masques agacent

Consigne: le confinement. Laissez libre cours au ressenti, aux émotions. Révolte, haine, fatigue, rêverie, joie.. Donnez la forme, le genre que vous souhaitez: Récit, lettre, dialogue, poème... Temps estimé: 25 mins

Dès que j'ai mis le nez dehors, j'ai compris qu'il se passait quelque chose d'inhabituel. Je ne saurais expliquer comment, mais j'ai senti un truc qui flottait dans l'air. Et, croyez-moi, pour ça, j'ai le flair. Ambiance étrange et, pour tout dire, inquiétante.

D'abord, ce type qui est passé en courant. C'est un joggeur, il passe tous les jours devant chez moi, rien de surprenant, mais, ce matin, il était affublé d'un truc bizarre, plaqué sur son visage.

Oui, un masque ! Je sais ce que c'est, je ne suis pas bête mais, avouez que c'est particulièrement inesthétique. Surtout, ça cache le visage, c'est fort dommage. Moi, j'ai besoin de voir les mimiques des gens, c'est ma façon de percevoir leurs sentiments à mon égard.

Il me fait un vague signe de la main, sans s'arrêter. J'ignore s'il m'a souri. M'en fous.

Les voisins, ce n'est pas parce qu'on ne se parle jamais que je ne les observe pas. Eux, par contre, se taillaient la bavette régulièrement, se saluaient gentiment, alors qu'à présent, il se font coucou de loin, évitent bises et poignées de mains. C'est louche, vous dis-je !

Même la mamie d'en face s'est collée un gant de toilette sur le nez quand elle s'est approchée de moi. Vas-y la vieille, dis tout de suite que je pue !

Tous ces sourires masqués derrière leurs chiffons, ce carnaval permanent n'augurent rien qui vaille. Je vous préviens, ce n'est pas moi que vous verrez porter un machin pareil. En plus, ça me défroisse la moustache.

Ils ont bien raconté des trucs à la radio, mais, j'avoue que je n'ai pas écouté. Ça me fatigue leurs bavardages, tellement insignifiants. Et puis, c'est une question de fréquence, la radio ça m'abîme les oreilles. C'est que j'ai l'ouïe sensible, moi.

Il paraît même, que maintenant, il faudra une autorisation pour sortir de chez soi.

Si, si, c'est officiel, c'est Bernie qui me l'a dit.

Bernie, c'est le type qui habite chez moi. Pas très fufute, mais un bon gars. Il m'entretient et me nourrit, je n'ai pas trop à m'en plaindre.

Bref, c'est Bernie qui m'a expliqué pour les dérogations. Il est obligé de cocher des cases pour se rendre à son boulot ou au supermarché. Tu vois le truc !

D'ailleurs, pour la bouffe aussi, ça devient difficile. Bon, ce n'est pas moi qui fais les courses, mais quand même. Des files d'attente interminables devant les portes, des vigiles qui surveillent les entrées et des rayons à moitié vides qu'il doit se coltiner, mon Bernie. Parfois, j'ai peine pour lui. Il a mis plus d'une heure pour rapporter une boîte de pâté ! Vraiment, ça sent mauvais, cette histoire.

Même à la maison, Bernie garde son slip sur la face pour me parler, c'est assez vexant. Il prétend que bientôt je devrais m'y plier aussi. C'est obligatoire !

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