Nouvelle à trous

23/04/2020

Consigne: Écrire une nouvelle en remplissant les trous du texte ci-dessous et en développant les propositions. Temps imparti: 25 minutes

Et voilà, c'est reparti ! Tous les ans, il me refait la même guirlande, le reportage sur le petit Jésus. La nativité, tout le saint frusquin. Et moi, bonne pâte, direct la cathédrale. Ah, il est bien brave Auguste... car c'est encore moi, l'obscur gratte-papier de "Lumières de la Paroisse" qui s'y colle. Et tout ça, pour quoi ? Ah, le père Noël, y'm'fout les boules. Non, riez pas, c'est son nom. Il est père, mon supérieur... curé, quoi. Mais c'est aussi mon rédac'chef. Et avec lui, c'est la croix et la bannière. Pas une minute à soi, jamais le temps de se retourner.

Mais oui, mais oui, j'y retourne. Toute façon, je l'ai déjà photographié sous toutes les coutures la Divine Église et la Sainte-Croix. Alors, croyez-moi, je vais rien vous rapporter de nouveau.

Ah si, nouveau, c'est l'hôtel. Pour une fois, il pas lésiné sur les moyens, le grippe-sou. Et la suite qu'il m'a réservée, ouais, c'est princier. Je me remémore ses consignes: c'est ici que je dois patienter, je serais contacté dans la matinée. Le type s'appelle Judas. Je dois attendre, il frappera trois fois.

J'attends.

On frappe trois fois. À la porte, je regarde dans le judas, c'est mon gars.

Un grand type, sec et nerveux. Il est agité, il prétend avoir une opportunité exceptionnelle pour pénétrer le tombeau de Jésus. Attention, le vrai tombeau, pas le mausolée en carton pour les touristes. Celui qu'on ne montre à per-sonne.

Per-sonne ne l'a fait avant lui. Ça me paraît un peu gros, je lui dis qu'il faut me laisser un peu de temps pour réfléchir.

Il me dit que c'est une occasion à saisir. Qu'à minuit, le tombeau se referme et qu'après c'est fini. ...Pour deux mille ans. Presque trois fois septante ans, croit-il bon de préciser avec un lourd accent wallon. Septante ans !

En effet, c'est tentant. Mais, je préfère en référer à mon rédacteur. C'est plus prudent. Le gars me dit "Oui, pourquoi pas... si ça peut te rassurer".

Pour me rassurer, je contacte Noël dans son repère, je lui explique la situation.

"Ça me paraît un peu gros, qu'il me dit. Laisse-moi un peu de temps pour réfléchir"

Je lui dis que "c'est une occasion à saisir. À minuit, le tombeau se referme et après c'est fini. ...Pour dix mille ans. " Je sais qu'avec Noël, faut faire monter les enchères. Je l'explique à Judas

"Mais oui, répond le gars... si ça peut le rassurer.

Il est pressé: "Alors, on y va ? "

Je prends mon sac et la porte. On s'enfonce dans la nuit et le silence.

On a marché dans la grotte. Elle était profonde et humide. Comme une grotte, quoi. Ça peut paraître étrange, mais, je ne sais pas pourquoi, quelque chose en cet homme m'emplissait de confiance. Je me sentais guidé.

Et bien m'en a pris, puisque je reviens avec ce trésor

"Qu'est-ce que vous voulez que je fasse d'un chiffon, aboie le noël, plus pépère du tout. Vous vous croyez chez les Emmaüs ?"

"Ce n'est pas un chiffon ordinaire, c'est un bout du saint-suaire"

"Vous vous fichez de moi ?"

"C'est vrai, pas tout fait un suaire. C'est son lange... son pagne, quoi ? Il le portait sur la croix, c'est sacré quand même"

"Sacré con, oui. Voilà ce que vous êtes. Je ne sais  ce qui me retient de vous virer"

L'histoire pourrait s'arrêter là, on ne saurait pas ce qui l'a retenu. En fait, rien du tout. Après vingt ans de bons et loyaux services, le père Noël m'a viré de son canard paroissial... comme un malpropre.

Ce n'est pas tant le boulot qui manquait, j'avais d'autres chats à fouetter. Mais, ce sentiment d'injustice, de scepticisme et, pour tout dire d'incrédulité, face à une authentique relique m'était juste inconcevable. Dieu ne pouvait pas laisser cet acte impuni. Je questionnais l'insondable divin. En vain. J'entretenais ma ferveur trois longs mois durant... Dieu devait se manifester.

Et Dieu s'est manifesté.

Oh, je ne vous raconte pas l'actualité, vous êtes suffisamment informés. Le monde entier s'est cloîtré, enfermé, je vous fais pas un dessin. C'est le signe que le vent tourne.

D'ailleurs, ça n'a pas manqué. Trois mois plus tard, mon chef me rappelle (oui, j'ai arrêté de l'appeler Père-Noël, c'est vraiment pas un cadeau) et qu'est-ce qu'y m'dis ?

Oui, tiens, qu'est-ce qu'y m'dis ?

Ah oui, y m'dis: "Dis, ton slip tu l'as toujours ?"

"C'est pas un slip, c'est le pagne du christ"

"Voilà, c'est ça. Garde le au chaud, je t'envoie un coursier... il vient le chercher."

Sans doute la vanité est un pêché, mais je ne peux m'empêcher de faire remarquer : "ça y est, on comprend enfin la puissance de ma découverte. C'est un miracle".

"Un miracle, tu m'étonnes. Je dois sortir, les gamins ont vidé la bouteille de gel, ma fille a embarqué le dernier masque, ma femme a réquisitionné les rideaux... j'ai un rencard important, il faut que je me colle un truc sur le nez. Allez, amène !"

Bien que tardive, cette reconnaissance me réchauffa le cœur et je pressentis, à cet instant, que rien ne serait plus jamais comme avant.

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