Méli-mélasse

25/03/2020

Consigne: Imaginez un virus. Caractérisez-le et écrivez un récit. Durée 25-30 mins

La nouvelle avait fait l'effet d'une bombe. Bombe molle, certes, mais explosive quand même. Et, ô combien poisseuse.

Un nouveau virus déboulait sur la planète, c'est ce qu'annonçait les médias à grands coups de messages affolés, enjoignant les populations à plus de prudence que d'habitude. Le Shamallus-18 venait d'être isolé par le professeur Saka Rose dans son petit laboratoire de Haribus-les-eaux, qui subitement prenait une notoriété internationale. Notoriété dont il se serait bien passé tant Saka était un homme modeste et discret.

Par un étrange fait du hasard, n'était concernés que les personnes dont le nom commençait par la lettre S, ce que d'aucuns jugeaient particulièrement injuste. Et les populations se pressaient aux bureaux de l'état civil pour faire modifier leur patronymes. Combien de Samson, de Souillon ou de Souillosus se métamorphosaient en Concon, Couillon ou Couillocu.

Les symptômes se manifestaient par une soudaine déliquescence des tissus internes et un brutal ramollissement corporel. On avait dû créer le néologisme de Shamallesque pour en qualifier les plus atteints.

La diction elle-même s'en trouvait affectée et les mots peinaient à sortir des bouches flasques et cotonneuses pour se transformer en une bouillie verbale aux limites de l'incompréhension.

Mais les plus flagrantes métamorphoses se signalaient dans les attitudes amorphes et apathiques des contaminés, leur propension à s'étaler plus que de coutume et à se montrer particulièrement collants. Leurs membres s'étiraient comme guimauves au soleil et les plus atteints s'agglutinaient les uns aux autres comme autant de pastillas écœurantes.

Le confinement n'était d'aucune utilité puisque les patients glissaient sous la porte, fondaient dans les rues, s'écoulaient dans les caniveaux et se collaient aux trottoirs ou sur les flancs des arbres, comme autant de chewing-gums placés là par un gamin facétieux.

Dans un premier temps, les forces de police avait tenté de stopper la contamination par des mesures aussi dérisoires qu'inutiles. On tentait d'attraper les malades avec des filets et des perches mais, ces outils désuets s'en trouvaient gluamment pollués et les patients poisseux passaient entre les mailles des filets, se collant a l'attirail policier.

Bientôt, la planète toute entière ne serait plus qu'une immense mare de sucre mou, de corps gluants et de bêtes à diabète.

En quelques semaines, plusieurs millions de personnes succombèrent à cet étrange virus jusqu'à ce que le professeur Kaka Roke -qui avait pu changer de nom avant que ne soient saturés les services administratifs- découvre, enfin, un antidote, l'anti-glucose sirupant, scientifiquement dénommée H2C.

Cette molécule avait la particularité de compacter les sucres en une saccharine rigide qu'on pouvait décoller à l'aide d'une simple spatule de pâtissier. Une fois récupérés dans une boîte à bonbons, les souffreteux étaient emballés dans un petit papier et exposés au rayon confiserie des supermarchés. Ainsi pouvaient-ils se survivre dans les palais des gourmets et les poches des garnements. Maigre consolation pour qui craignait de se mêler à la mélasse moche et à la gent mucilagineuse.

Quand ceux-ci furent dissous dans un bain de gomme arabique, on put enfin entrevoir le terme de la malédiction sucrée. La prochaine étape consisterait à les répartir en fibres suffisamment légères pour qu'ils puissent se propager dans l'air, sans risque aucun pour les porteurs sains.

Une année de recherches intensives mirent fin à cette glucosière épidémie et Kaka Roke fut décoré de la médaille du Caramel. Le monde put souffler un peu... avant que ne débarque le bacille du barbe à papa, une forme avancée de la bactérie du calisson.

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