Le cœur sur la main

Quelque part, au coin de la rue...

- Siouplait, madame, une p'tite pièce

- Tenez, mon brave. Ce n'est qu'un euro mais c'est déjà ça !

- Mais que faites vous ?

- Vous le voyez bien, je fais l'aumône à ce pauvre homme

- Surtout pas. ne faites pas ça ! Vous allez bouleverser l'ordre naturel des choses et, in fine, démanteler l'équilibre social

- Vous croyez ? Pour un euro ?

- Le moindre petit sou de trop pourrait enrayer la machine. Songez aux pièges de la charité, la culpabilisation morale qu'elle déverse sur nos consciences désœuvrées, quand nous ne sommes pourtant en rien responsables du triste sort des ces individus. Voulez-vous porter le poids de leur misère sur vos frèles épaules ?

- Oh, certes non

- Et puis, ceux-ci ne sont pas à plaindre, croyez-moi. Savez-vous que la plupart sont bien plus riches qu'ils n'y paraissent ? L'aumône n'est qu'une couverture, un loisir parfois, ils cumulent l'incroyable et dispendieux éventail des diverses allocations versées par l'état. RSA... RMI... CMU... CAF...Ils mangent à tous les râteliers ! Payés par notre état, par nos impôts. Vous voyez, nous donnons déjà pour eux. Et nous l'ignorons la plupart du temps.

- Mais que font-ils de tout cet argent ?

- Mystère ! Ils le boivent sans doute. Les pauvres gens sont souvent alcooliques. Quand ils ne sont pas drogués. C'est génétique.

- Vous avez bien fait de m'arrêter, mon ami, j'allais faire une grossière erreur.

- Je vous prie, mon brave, rendez sa pièce à madame ! Du boulot, du boulot ? ...Vous n'avez qu'à traverser la rue, mon vieux. Non, rendez-ça, ce sont toujours les derniers de cordée qui alourdissent les premiers. Allez, lâchez donc !

- Vous avez raison, tous ces gueux me répugnent. Allez chercher la Bentley, Firmin, nous rentrons au château.