Le cadeau de Noëlle

J'aime pas les réveillons. On mange des trucs pas bon, comme le foie d'rat ou la dingue aux marrons. Et puis, ça n'en finit pas, c'est long ! Les grands disent des choses que je ne comprends pas. Ils discutent, ils se disputent, surtout quand ils parlent de Paul et Tic. Je ne sais pas qui sont ces deux là, mais tout le monde s'engueule à cause d'eux. Pftt, je préférerais aller me coucher.

• - Oh, ma puce, tu as de petits yeux, a dit maman, tu es fatiguée. Tu devrais aller te coucher, demain est un grand jour.

Ils appellent ça, la magie de noël, parce que c'est le plus beau jour de l'année. Moi, ce que j'aime surtout, c'est d'ouvrir les cadeaux. Et puis, d'être en vacances pour quelques jours. J'ai voulu compter les jours qui m'éloignaient encore de l'école, mais, je me suis endormie.

• - Tiens, pour une fois...
• - Oh, ma chérie, je suis désolé, a dit papa, qui se tenait en pyjama dans l'encadrement de la porte. Il doit y avoir erreur sur la destination
• - Non, c'est marqué "pour Marie-Noëlle". C'est bien mon nom.
• - Enfin, regarde, ce sont des petits soldats, un garage de voitures. Ce n'est pas ce que tu avais demandé au père noël
• - C'est pas grave, papa. Les soldats, c'est bien aussi
• - Attends, voyons la lettre que tu lui avais faite
• - Tu ne l'as pas envoyée ?
• - Heu, si... mais j'avais fait une copie. Ah, voilà, "un habit de princesse..."
• - Bof, ça, c'est plutôt maman qui...
• - Et tu as un "Superman" à la place
• - Il est fort Superman. Parce qu'ils tapent les méchants
• - "...une poupée..." Elle est où, la poupée?
• - Papa, j'ai plus l'âge de jouer à la poupée, quand même !

C'est vrai, quoi, à sept ans, je ne suis plus un bébé. Les poupées, c'est pour les gamines. Moi, depuis l'année passée, je sais bien que le père noël n'existe pas et que papa-maman achètent eux-mêmes les cadeaux qu'ils déposent au pied du sapin. Mais, je ne leur dis rien, je ne veux pas les décevoir. Et puis, c'est toujours plaisant de recevoir des présents... même si ça n'a pas toujours été ce que j'aurais souhaité.

• - Et puis ce ballon de foot ? À mon avis, le père noël s'est trompé. Ces paquets devaient être pour ton cousin. Je vais arranger ça.
• - Non, c'est pas grave, papa, c'est pas grave
• - Mais si, mais si... Martiiiine !!! Viens-voir, vite !
• - Qu'est-ce qu'il y a ? Pourquoi tu cries comme ça ?
• - Enfin, regarde-moi ça. Petits soldats, ballon de foot, garage de voitures...

Maman met trop de maquillage. Dans la journée encore ça va, mais le matin, au réveil ça lui coule sur le visage. Je trouve ça dommage. Elle ouvre de grands yeux ronds et avec son mascara qui coule, on dirait un film d'horreur.

• - Mon dieu ! ...Je n'y comprends rien. C'est moi-même qui aie emballé les cad... Enfin, je veux dire, j'ai vu le papa Noël les déposer et...
• - Oh la vache, j'ai dormi comme un loir
• - Tiens, voilà l'artiste. Pas trop la gueule de bois, Gérard ?
• - J'aurais pas dû forcer sur le champagne, ça me fout la tête dans le cul
• - Gégé, attention à ce que tu dis... devant la petite
• - Ça va, c'est plus une petite fille

Moi, je l'aime bien tonton Gérard, il est rigolo. C'est le frère à maman et comme "on peut pas le laisser comme ça un jour pareil", il vient passer le week-end à la maison. Papa se moque de lui parce qu'il n'a pas de boulot

• - Pardon, je suis médium. Et un peu voyant à mes heures
• - Tu parles d'un job... C'est pas avec ça que tu me rembourseras tout l'argent que je t'ai prêté

Papa dit que c'est un travail de fainéant, il dit même que Charles l'attend, mais, là, je ne vois pas bien le rapport. En tous cas, je l'aime beaucoup mon tonton. On s'entend bien, on se comprend à deux mimots, il sait ce que j'aime.

• - Oh, mais je vois que le père Noël est passé. Alors Marie-Noëlle, tu es contente ?
• - Non, mais, regarde-moi ça, s'énerve papa. Le père noël s'est complétement planté. Il commence à se faire vieux, je vais faire une réclamation.
• - On est férié, le bureau des plaintes est fermé. Et toi, Marie-Noëlle, qu'est-ce que tu en dis ?
• - C'est exactement ce que je voulais.
• - Alors, qu'est-ce que je vous avais dis ? a frimé Tonton
• - Dis papa, je peux aller jouer dehors au foot avec les copains ?
• - Heu, oui... oui, bien sûr, ma chérie. Va jouer au... au foot !

J'ai couru dans ma chambre enfiler ma panoplie de Superman et j'ai rejoins les copains en bas de l'immeuble. Cette fois-ci, j'ai un ballon, alors, c'est moi le goal. Avant de sortir, j'ai vu les yeux de papa, ronds comme des soucoupes, qui me dévisageaient et un drôle de sourire pincé sur les lèvres de maman et j'ai compris ce jour-là, qu'ils ne poseraient plus jamais le même regard sur moi.