Debussy est un con !

La consigne: Imaginez Satie dans son petit appartement et décrivez la médiocrité du lieu

Si, fa, si, la, la, do, ré

Debussy est un con ! Je n'ai eu cesse de le rappeler au directeur du Figaro qui fait ses gorges chaudes de ce vulgaire gratteur de notes. À l'écouter, il lui offrirait le Trianon.

Do, si, la et fa ré...

J'interpelle une à une les touches de mon Steinway, seul meuble conséquent de mon minuscule appartement. À vrai dire, il occupe toute la place et il me serait difficile d'y glisser autre chose que ma petite chaise et mes partitions.

Appartement, le mot est un peu prétentieux en regard des cinq mètres carrés qui accaparent mon inspiration

Do, ré, sol, si, ré...

Le parquet est aussi sale que délabré et un tas de papiers et vieux journaux m'empêche de constater la moisissure qui attaque le plancher. Au plafond, la lampe nue pendouille tristement au bout de son fil et agite sur le mur des ombres inquiétantes.

Fa, do, si, sol, sol...

Je traduis en notes ces formes qui virevoltent et sens l'harmonie naître entre mes doigts raidis. La douceur de la mélodie efface peu à peu la grisaille du papier peint. Les tâches sombres sur le mur deviennent autant de danseuses qui se meuvent sous mes doigts. Ils parcourent l'ivoire des touches avec une dextérité qui m'enthousiasme. L'exubérance des notes invite à la farandole et ma chambre se transforme en une jungle de sons en avant goût du paradis.

Un souffle divin parcourt mes entrailles, la colonne d'air remonte ma trachée, mes lèvres s'entrouvrent malgré moi et je me surprends à entonner une nouvelle gymnopédie à laquelle aucun Claude ne pourra rivaliser.

Oui, décidément, Debussy est un con !