À vous,laid studio !
Pièce apocalyptique en direct live, sans coupures publicitaires (2016)
Toute la scène est plongée dans le noir. Seul un cadran lumineux indique l'heure: 04:59.
Silence. Un temps.
À 05 :00, s'enclenche la sonnerie caractéristique d'un réveil.
S'allume une lampe de chevet, petit îlot de lumière d'où émerge une tête de femme ébouriffée.
FEMME: C'est l'heure, Dimitri ! [silence] ...Dimitri, vous m'entendez ? ...Ho, Dimitri !
Elle éteint le réveil.
Une autre îlot de lumière et c'est la tête de Dimitri qui sort de son duvet, posé à même le sol.
DIMITRI: Mais non, mais non, recouchez-vous, c'est pas le moment !
FEMME: Mais si, regardez. Il est déjà cinq heures. Il nous reste à peine une heure pour...
DIMITRI: Calmez-vous, Marina. Il est cinq heures du matin... pas de l'après-midi !
MARINA: Vous êtes sûr ?
DIMITRI: Si je vous le dis !
MARINA: Pourtant, j'aurai juré que...
DIMITRI: Mais non, rendormez-vous !
Il se recouche et éteint. Et se rendort.
Elle demeure éveillée, songeuse devant sa lampe de chevet.
Silence. Un temps.
MARINA: Remarquez, on n'a jamais essayé de nuit !
DIMITRI: [off, voix endormie] Déjà que durant la journée, c'est pas très probant.
MARINA: Justement. Avec le jeu des fuseaux horaires, on pouvoir ratisser un public plus large et...
DIMITRI: [off] Un public ?
MARINA: Oui, enfin, vous m'avez compris. Tout le monde n'a pas le même rythme biologique. Un temps.Imaginez qu'on capte des noctambules !
DIMITRI: [rallumant sa lampe] Des nocturnes, vous voulez dire ! Les noctambules sont des gens qui s'amusent et je doute qu'on puisse trouver ça amusant.
MARINA: Ho la la, ce que vous êtes rabat-joie ! C'est pas pour un petit écran allumé que...
DIMITRI: Nous n'avons déjà pas assez d'énergie pour la journée... Alors si vous voulez passer en horaires de nuit, il faudra choisir. Mais, tant pis pour l'aprèm !
MARINA: Heu, non, non... C'est un excellent créneau ! Gardons l'aprèm !
DIMITRI: Alors, recouchez-vous !
MARINA: Pas ma faute. C'est ce crétin de réveil qu'est pas foutu d'afficher 24 heures
DIMITRI: Ça, c'est pas moi qui l'ai choisi ! [se recouchant] ...Allez, bonne nuit !
MARINA: [se recouchant] Pas ma faute, si ce crétin de réveil n'est pas foutu d'afficher vingt-quatre heures
Ils éteignent. NOIR.
L'écran indique 05:08.
Une musique planante envahit le plateau, on en oublie l'horloge.
Quand on la consulte à nouveau, il est 07 :59.
Silence.
À 08:00, le réveil sonne.
Un temps. Cette sonnerie déchire le silence.
La petite lampe de Dimitri s'allume, il s'extirpe de son duvet.
Il se lève et marche jusqu'au réveil. Au fur et à mesure de son déplacement, la lumière agrandit l'espace qu'il traverse... jusqu'à la couche de Marina. Laquelle poursuit son roupillon, en toute quiétude.
On découvre le décor: une sorte de sous-sol crasseux aux bétons apparents, jonché de câbles et d'écrans de toutes tailles. Certains sont éventrés, d'autres paraissent en état de marche, mais tout est noyé dans la poussière et les gravats. Apocalyptique.
Dimitri se penche vers le bouton de l'appareil et l'éteint.
Puis, demeure, un instant, à observer la belle endormie. Elle se réveille brusquement et sursaute en apercevant ce visage penché sur elle.
MARINA: Qu'est-ce que vous foutez là, vous ?
DIMITRI: Vous ne me reconnaissez pas ? Vous avez déjà tout oublié ?
MARINA: Non, évidemment. Mais là, maintenant... au dessus de moi ?
DIMITRI: Rien ! Je vous regardais
MARINA: Vous me regardiez ? Et pourquoi ça ?
DIMITRI: Vous savez que vous semblez presque agréable quand vous pioncez ? ...presque !
MARINA: Et ce connard de réveil qui n'a pas sonné. Alors, il nous emmerde en pleine nuit et...
DIMITRI: Si, il a sonné. ...mais vous ne l'avez pas entendu !
MARINA: Ah ouais ?
DIMITRI: Et c'est pourquoi vous me voyez penché au-dessus de vous. Pour éteindre ce bastringue.
MARINA: Vous êtes sûr ?
DIMITRI: Évidemment ! Qu'allez-vous imaginer !?
Silence.
Dimitri avance à la table centrale, encombrée de câbles et de paperasses diverses qu'il déplace pour dégager un petit camping-gaz.
Il ramènera ensuite, une petite casserole qu'il viendra poser sur la flamme.
MARINA: Vous nous faites du café ?
DIMITRI: Désolé, pas encore... je me réveille, moi aussi. Du moins suis-je debout, moi.
MARINA: C'est bon, je vous dispense de vos commentaires
DIMITRI: Vous attendez que je vous porte le café au lit ?
MARINA: Ça va, je n'ai pas besoin de larbin.
Elle se lève à son tour et, drapée dans son duvet, rejoint Dimitri à la casserole
MARINA: Il en reste encore ?
DIMITRI: Pas de quoi faire des folies, mais on doit pouvoir tenir encore un peu.
Il lui verse dans sa tasse, un jus particulièrement clair.
MARINA: Oui, en effet. Si vous le rallongez autant, ça devient du jus de chaussettes sans chaussette.
DIMITRI: Vous préféreriez qu'on torche le paquet en deux jours ?
MARINA: Bon, et après ?
DIMITRI: Il restera du thé. Deux ou trois boîtes, j'ai pas bien vu. Je pensais que vous n'aimiez pas ça.
MARINA: Mais enfin, c'est... c'est quand même dingue !
DIMITRI: Qu'il n'y ait plus de café ? Non, c'était prévisible, vous n'avez pas arrêté d'en picoler le premier jour.
MARINA: Mais non, je parle de tout ça. [d'un geste vague, désignant le fouillis] Avouez que c'est incompréhensible. Surtout aussi vite. C'est juste pas possible.
DIMITRI: En tous cas, ils l'ont fait. Oh, puis vous n'allez pas recommencer. Je vais vous le raconter une énième fois et vous allez encore pleurer. Piquer une nouvelle crise de nerfs ne servira à rien.
Il l'observe siroter son café en silence. Un temps.
MARINA: Dites... vous ne voudriez pas brancher la 5, s'il vous plait !
DIMITRI: Merde ! je vous ai déjà dit, qu'on devait économiser notre énergie. Sinon, vos pitreries...
MARINA: Vous me parliez d'émettre. Là, je vous demande juste de jeter un œil.
DIMITRI: Mais, c'est pareil. Dans un sens comme dans l'autre, ça consomme tout autant.
MARINA: Et je vous dis, moi, qu'il faut se brancher. Tout de suite !
DIMITRI: C'est un ordre ?
MARINA: Non, une intuition. Ne me demandez pas de vous expliquer, nous autres, les femmes, nous avons un sixième sens pour ce genre de choses. C'est quelque chose qui ne s'explique pas. Un temps.Évidemment, vous ne croyez pas à l'intuition féminine !
DIMITRI: Disons, que j'appellerai plutôt ça, un caprice. Je commence à vous connaître.
MARINA: Allons, faites-moi confiance. Pour une fois ! Je sens qu'il va se passer quelque chose.
Il la scrute longuement, c'est du lard ou du cochon ?.
DIMITRI: Bon, bon... mais je vous préviens, s'il n'y a rien, on éteint tout de suite ! On ne va pas vider le groupe électrogène pour de la vidéo surveillance.
Il récupère un boîtier parmi le bazar sur lequel il branche deux fils électriques...
MARINA: Le fil rouge sur le bouton rouge, le fil vert sur le bouton vert...
DIMITRI: Vous voulez le faire à ma place ?
MARINA: Non, c'était juste une plaisanterie... Tant pis, comprenne qui peut !
...et appuie un bouton. Un écran s'allume sur un paysage apocalyptique et désolé où, seul le vent agite encore quelques flocons gris d'une neige suspecte.
DIMITRI: Voilà. Vous êtes bien avancée ? Un temps.
À l'écran, même un œil peu averti, reconnaîtra une vue de Paris en ruines. Un temps.
DIMITRI: ...C'est bon ? J'éteins !?
MARINA: Non, attendez !
DIMITRI: Quoi encore ?
MARINA: Là... Là, regardez !
DIMITRI: Et bien ?
MARINA: Derrière ce tas de pierre... vous voyez ?!
DIMITRI: Non, non, je ne vois rien. Vous n'allez pas recommencer avec vos visions. Et ce tas de pierres, comme vous dites, je vous rappelle que c'est le Palais-Bourbon. Enfin, ce qu'il en reste.
MARINA: Mais si, regardez mieux. Sous les marches, ce truc qui bouge, on dirait bien quelqu'un !
DIMITRI: S'il y avait vraiment quelqu'un, croyez-moi, il ne bougerait plus !
MARINA: Faut toujours que vous exagériez. Vous avez le goût du mélo, ma parole.
DIMITRI: Non mais il faut que je vous refasse un dessin !? Vous avez déjà tout zappé ?Il va falloir vous faire une raison, ma pauvre vieille, mais, le retour à la normale est sérieusement compromis. Si vous arrivez à comprendre ça...
MARINA: Ne soyez pas aussi agressif. Ce n'est pas le moment de s'engueuler. [comme récitant un texte appris par coeur] Je vous rappelle que l'heure est à l'entraide et la solidarité. Nous devons faire face à l'adversité avec un courage exemplaire et une détermination sans faille et joindre nos efforts dans un but commun pour...
DIMITRI: Gardez votre salive pour tout à l'heure, vous en aurez besoin.
MARINA: Justement !
DIMITRI: Justement quoi ?
MARINA: Je vous vois bien comme invité ?
DIMITRI: Quel invité ?
MARINA: Et bien, celui du jour ! L'invité du jour, ce serait une nouvelle rubrique. Bon, j'admets que le concept n'est pas très novateur mais, je vous assure, un invité quotidien, c'est top pour l'audimat.
DIMITRI: Je ne sais pas si vous avez remarqué mais il n'y a plus personne. Per-son-ne !!! Alors, vos invités, vous les sortez d'où ?
MARINA: Justement, c'est vous ! D'accord, ça vous demandera à jouer un peu l'acteur mais, vous devez en être capable. Non ?
DIMITRI: Mais elle délire, la radasse, ou quoi ? Vous voulez que je vous branche tous les écrans ?
Ce qu'il fait, au fur et à mesure qu'il les énonce. Apparaissent autant de paysages détruits et abandonnés de grandes capitales où subsistent quelques vestiges reconnaissables malgré leur état de dégradation avancée.
DIMITRI: Paris ! ...Londres ! ...Berlin ! ...Rio ! ...New-York ! ...Moscou ! ...Ça va ? Je continue ou on fait sauter le générateur ?
Toutes ces images lui font irrémédiablement penser à un hiver nucléaire.
À cette vision, elle se tétanise.
MARINA: C'est bon, éteignez-moi tout ça.
Il éteint les écrans. Silence. Un temps.
Elle demeure sidérée et immobile. Il lui offre sa tasse de café.
MARINA: Merci !
Un temps. Elle boit lentement. Silence pesant.
MARINA: Ne me prenez pas pour une folle, j'ai très bien capté la situation, merci. Et croyez bien que ça ne m'enchante pas de rester enfermée, ici, avec vous !
DIMITRI: Je vous retourne le compliment ! ...si j'avais pu choisir...
MARINA: Vous comprenez mieux à quel point j'espère que nous ne soyons pas les seuls survivants.
DIMITRI: Ça, vous pouvez toujours l'espérer ...mais c'est peu probable.
MARINA: Vous êtes un défaitiste. Vous ne voyez que le côté sombre des choses
DIMITRI: Parce que se prendre une bombe atomique sur la gueule, vous trouvez qu'il y a matière à rire, vous ?
MARINA: Non, bien sûr, mais je ne suis pas du genre à baisser les bras. Je veux me battre, moi, je veux lutter... même contre le chaos. S'il y a d'autres survivants, nous les trouverons. Et, croyez-moi, cette émission quotidienne portera ses fruits
DIMITRI: Vous êtes du genre têtu, vous !À la rigueur, si on émettait des appels de détresse, ça serait plus productif. Mais, un magazine de bonnes femmes, franchement... Vous n'aviez pas mieux dans vos cartons ?
MARINA: Si, j'avais aussi un projet de documentaire. Une semaine en Amazonie, avec beaucoup de prises de vues en extérieur.
DIMITRI: En ce moment, les extérieurs, c'est un peu râpé !
MARINA: Vous n'êtes vraiment pas constructif ! Vous critiquez mon émission mais, si quelqu'un nous écoute, n'est-il pas mieux qu'il passe du bon temps entre mode et cuisine plutôt que s'angoisser devant des messages en morse qu'il ne pigera peut-être même pas ?
DIMITRI: Et cuisiner, quoi ? Du rat ? Et se maquiller avec de la poussière radioactive ? Même s'il reste des survivants -et je dis bien si !- ils n'auront sûrement pas la chance d'avoir, comme nous, une armoire pleine de provisions. Enfin, pleine... à la vitesse où vous liquidez le stock elle l'est déjà beaucoup moins !
MARINA: C'est ça, pleurnichez encore. Vous allez choper un ulcère c'est tout ce que vous gagnerez.
DIMITRI: C'est toujours préférable à une leucémie fulgurante !
MARINA: Allons, soyez positif. Pensez plutôt à votre intervention de cet après-midi.
DIMITRI: Quelle intervention ?
MARINA: Dans mon émission, voyons. N'oubliez pas que vous êtes l'invité du jour. Tiens, Taillefer ? ...Oui, professeur Taillefer, ça vous irait bien. Qu'en dites-vous ?
DIMITRI: Je dis que je m'en fous. C'est vraiment pénible vos gamineries.
MARINA: [ironique] Vous avez quelque chose de plus urgent à faire ? Un rendez-vous galant ?
DIMITRI: Pfftt...
MARINA: Alors ? [elle lui colle son poing sous la bouche, comme tenant un micro] ...Bon, professeur Taillefer, de quoi allez-vous nous parler aujourd'hui
DIMITRI: Mais j'en sais rien moi. Vous voulez une thèse sur les dangers du nucléaire ?
MARINA: Non, pas ça. C'est un sujet trop clivant...Les gens n'aiment pas qu'on les effraie inutilement. Ils ont déjà suffisamment de problèmes comme ça.
DIMITRI: Bien ! ...Et je serais professeur de quoi, exactement ?
MARINA: Ah ça, professeur Taillefer, ce sont vos diplômes, pas les miens. Ah, quel humour ces scientifiques !
DIMITRI: D'accord, alors, je suis professeur en cyclologie !
MARINA: Ça n'existe pas !
DIMITRI: Si. Ce sont les gens qui étudient les vélos. Les cyclos, quoi !
MARINA: Ah ouais ? Parce que vous aimez les vélos, vous ?
DIMITRI: Pas plus que ça. Mais, j'ai eu un tricycle quand j'étais petit, je ne serais pas complètement perdu. Et puis, faut bien dire quelque chose, non ?
MARINA: Oui, mais, le vélo c'est nul.
DIMITRI: Ça dépend pour qui. Y a des amateurs de pédale...
MARINA: Non, vous serez professeur en science diététique ? Ça marche bien la diététique...
DIMITRI: Je ne suis pas certain que, dans le contexte, ce soit vraiment l'urgence.
MARINA: On ne sait jamais. C'est pas parce que c'est la fin du monde qu'on ne peut pas guérir de la malbouffe. S'il y a des rescapés, il faut bien qu'ils mangent, alors autant qu'ils le fassent correctement. ...À propos, il reste pas un petit truc à grignoter ?
- - - NOIR - - -

Le son (off) commencera dans le noir. Le cadran lumineux indique 17:30
OFF: ... et toujours en direct de votre station préférée...
Au retour lumière, on retrouve Marina et Dimitri noyés dans leur bazar.
Elle tient un micro et porte un casque sur les oreilles.
Lui, porte une caméra avec laquelle il la filme. Les images sont retransmises en direct sur un des écrans.
MARINA: Bienvenus, chers téléspectateurs et téléspectatrices, pour notre magazine quotidien, votre rendez-vous du charme et de la bonne humeur, avec Miss Sandy. [sourire Colgate] Une émission un peu exceptionnelle puisque nous recevons, aujourd'hui, un invité, tout aussi exceptionnel, le célèbre professeur Taillefer. Professeur Taillefer, présentez-vous !
DIMITRI: [derrière sa caméra] Oui, bonjour, je suis le professeur Taillefer !
MARINA: Qu'il est amusant, n'est-ce pas ? Non, professeur, je voulais dire, montrez-vous. Vous restez en coulisses et on ne vous voit pas
DIMITRI: [toujours avec la caméra] Et je fais comment, moi, avec tout ce barda, maline !?
MARINA: [chuchotant] Et bien posez-le sur la table ! Ce que vous pouvez être empoté !
Il pose son matériel sur la table, ça ne filme que leurs ventres. Toute la durée de l'intervention, il n'aura cesse de déplacer la caméra, à la recherche d'un meilleur angle... en vain.
MARINA: Donc, professeur Taillefer, vous êtes, je crois, nutritionniste...
DIMITRI: Non, diététicien. Je suis diététicien. C'est marqué sur ma fiche. [montrant sa fiche] Diététicien diplômé
MARINA: Heu, oui, mais... c'est un peu la même chose
DIMITRI: Ah non. Il y a une différence fondamentale entre la diète et la nutre. Ignorer ce point, c'est glisser vers l'aberration alimentaire et risquer de...
MARINA: Oui, d'accord, d'accord. C'est un débat de spécialistes qui risqueraient de passer au-dessus des têtes de beaucoup de nos auditeurs
DIMITRI: Vous voulez dire qu'ils sont trop cons pour comprendre ?!
MARINA: Mais non, voyons. [entre ses dents] Enfin, Dimitri, ne sabordez pas mon émission. [à l'antenne] Les scientifiques ont toujours un humour déroutant. Mais revenons à nos calories, puisque c'est un peu votre spécialité. Alors, nous conseilleriez-vous comme menu léger par ces temps de heu...
DIMITRI: Ces temps de merde, on peut le dire,, en effet.
MARINA: Mais non, mais non... disons, de canicule
DIMITRI: Oui, 35° degrés à l'ombre, pour un mois de décembre, c'est pas très fréquent.
MARINA: C'est vrai qu'il fait chaud. Mais, on ne va pas se prendre la tête avec ces menus tracas, pensons plutôt plaisirs de la cuisine.
DIMITRI: Ça ou autre chose
MARINA: J'ai entendu dire qu'avec la chaleur, la charcuterie, c'était pas très... pas très...
DIMITRI: Pas très facile à trouver en ce moment ! De toute façon, même s'il restait quelque chose d'ouvert dans le quartier, nous sommes coincés ici. Et, en admettant qu'on trouve une issue, je vous déconseille fermement de sortir.
MARINA: Quel casse-pieds vous faites. Et oui, mesdames et messieurs, nous avons la chance d'avoir un spécialiste avec nous, mais il refuse de nous informer. C'est votre dernier mot
DIMITRI: Vous voulez que j'appelle un ami ?
Un temps.
MARINA: Et bien, tant pis, passons tout de suite à votre rubrique préférée, les recettes de Sandy...
Brusquement, l'écran s'éteint.
MARINA: Mais... Qu'est-ce que vous en avez encore fichu, vous ?
DIMITRI: Rien. je vous avais prévenu ! Le générateur est à plat, y a plus de jus.
MARINA: Mais, enfin... pas maintenant. C'est pas possible
DIMITRI: C'est pas moi qui décide ! Je n'arrête pas de vous prévenir
MARINA: Vous voulez dire que ...c'est fini ? On ne peut plus émettre ?
DIMITRI: Je vais voir ce que je peux faire, mais faut lui laisser le temps de se recharger. En tout cas, ne comptez pas tenir le crachoir cent-sept ans, ce sera quinze minutes maximum.
MARINA: Mais, avant on restait vingt minutes !
DIMITRI: Oui, mais, l'énergie, ça s'use. Et puis, franchement, c'est quoi ce délire ? Vous vous prenez pour une speakerine, c'est votre trip ?
MARINA: C'est mon droit, non ! J'ai toujours rêvé de faire de la télé, vous comprenez ? C'est pour ça que je suis venue ici. S'il n'y avait pas eu toutes ces conneries, je devais me faire embaucher.
DIMITRI: C'est ce que j'avais cru comprendre. Pourtant, il paraît que les places sont chères dans ce milieu. Vous avez peut-être un mentor ? Un Pygmalion ? ...Enfin, quelqu'un qui vous aime bien, quoi.
MARINA: C'est ça, traitez-moi de pute pendant que vous y êtes
DIMITRI: Non, je ne dis pas ça. Mais, on sait bien que pour arriver à l'antenne, il faut avoir de sérieuses relations. Enfin, c'est ce qu'on dit.
MARINA: On dit n'importe quoi. Mais vous-même, qui êtes vous d'abord ? Et qu'est-ce que vous fichez là ? Depuis deux jours qu'on est là, vous ne m'avez encore rien dit, je ne sais rien de vous.
DIMITRI: Parce que vous ne parlez que de vous. C'est le seul sujet qui vous intéresse.
MARINA: Oh, ça va, ça va, je vous écoute
DIMITRI: Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ?
MARINA: Ce que vous fichiez là ! Oh, attendez, j'y pense... vous étiez déjà là quand je suis arrivée ?
DIMITRI: Quand vous êtes... ? Heu, oui, enfin, je suppose
MARINA: Donc, vous... vous avez tout vu ?
DIMITRI: Vu quoi ? Je m'étais assoupi. Je ne me suis réveillé qu'après les éboulements... juste avant vous, en somme !
MARINA: Mouais ! ...Et ça ne me dit pas ce que vous faisiez ici
DIMITRI: Si vous me laissiez parler, aussi. [Un temps] Je travaille pour les archives et j'étais descendu déposer des bandes magnétiques.
MARINA: Et c'est comme ça que vous vous êtes endormi ? Et bien, c'est un travail très fatiguant apparemment.
DIMITRI: Non, j'ai entendu des bruits dans l'escalier et je me suis caché. J'ignorais que c'était vous !
MARINA: Et pourquoi vous cacher ? Vous n'aviez pas la conscience tranquille ?
DIMITRI:Je fumais une clope et c'est interdit. Je ne voulais pas me faire pincer.
MARINA: Je ne vous aurai rien dit, je m'en fous
DIMITRI: Mais pas vous. L'autre Guignol qui vous accompagnait...
MARINA: Vous parlez de Jacques-Édouard... ?
DIMITRI: C'était mon patron
MARINA: Monsieur Debauche... Votre patron ?
DIMITRI: Bien sûr, le big boss de la chaîne. Vous ne le saviez pas ?
MARINA: Si... non... pas tout à fait... Il se disait assistant de production et c'est à ce titre qu'il avait accepté de me recevoir
DIMITRI: Le coup classique, mais, vous savez, moi, les histoires de fesses, je ne m'en mêle jamais.
MARINA: Qu'allez-vous imaginer encore ? Je venais juste lui présenter mon projet de magazine. En tout bien, tout honneur
DIMITRI: Dans les sous-sols de la chaîne ? Au rayon archives ? Vous me prenez pour une cruche. Vous savez, vous n'êtes pas la première qu'il entraîne ici. Elles se prennent un coup de baguette magique et hop, dans le meilleur des cas, elles atterrissent à la compta... sinon, c'est direct au Pôle-Emploi.
MARINA: Je vous en prie, ne me comparez pas à ces jeunes pisseuses opportunistes
DIMITRI: Oh non, elles ont encore l'avantage d'être fraîches, elles ! Y a pas photo !
MARINA: Il y a des choses plus importantes que l'aspect physique, mon petit monsieur. Et c'est l'expérience !
DIMITRI: Ah mais oui, c'est vrai que vous avez bossé pour Channel 12 ... et sur Rainbow-TV, aussi !
MARINA: Vous voyez que vous me connaissez
DIMITRI:C'est pas difficile, j'ai justement votre fiche sous les yeux
MARINA: Ma fiche ? Qu'est-ce que ça veut dire ?
DIMITRI: Fiche d'évaluation. Celle qu'avait dû griffonner le vieux Debauche avant de vous... enfin de... hum, hum, hum, de vous recevoir ! ...Marina Holmes, c'est bien vous ?
MARINA: Oui !
DIMITRI: Trente-six ans... Oui, là, vous en avez carotté une bonne dizaine...
MARINA: Non mais je vous en prie!
DIMITRI: [poursuivant] Formation à l'école de journalisme de Beaufort sur Buse, débuts dans une radio locale, présentatrice de news sur Channel 12, puis Rainbow-TV...
MARINA: Qu'un employeur se renseigne avant une embauche n'a rien d'anormal.
DIMITRI: Il y a quelques annotations au crayon. Vous voulez que je vous les lise ?
MARINA: [flattée] Oh mais bien sûr. Faites !
DIMITRI: [il lit] Fausse blonde mais vraie chieuse, allures d'intello frigide, mais baisable dès le deuxième verre. J'ignorais à quel point Debauche était aussi perspicace.
MARINA: [vexée] Filez-moi ce papier, vous !
Elle veut le lui prendre. Il l'évite.
DIMITRI: Ah, vous avez été la maîtresse de Rudy Rudyard, à ce que je vois !
MARINA: Décidément, ce n'est plus un document d'embauche, c'est une fiche de police !
DIMITRI: C'est vrai que vous avez couché avec ce vieux dégueulasse ?
MARINA: Qu'est-ce que ça peut vous foutre ? Vous le connaissez ?
DIMITRI: Qui ne connaît pas Rudyard ? Enfin, je devrais dire, qui ne le connaissait pas. Vous étiez au courant de son décès, quand même ?
MARINA: Je suis journaliste. La moindre des choses, c'est de se tenir au courant de l'actualité.
DIMITRI: Ça vous a fait de la peine ?
MARINA: Ça faisait déjà quelques années qu'on ne se voyait plus
DIMITRI: Comment ça ? Votre séparation date de moins d'un mois. Enfin, si j'en juge ce qu'a écrit Debauche ! [prenant sa fiche à témoin] Regardez, c'est marqué là !
MARINA: Donnez-moi ça... Ce sont des informations strictement confidentielles, vous n'avez pas à les lire.
DIMITRI: Vous savez, les petits secrets, maintenant, c'est un peu superflu !
MARINA: De toute façon, en quoi ça vous concerne ? J'offre mon cœur à qui je veux, non ?
DIMITRI: Ce n'est pas vraiment ce que j'aurai dit
MARINA: Ou avec mon cul, si vous préférez !
DIMITRI: Mais, vous aviez revu Rudyard la veille de son décès. Ça peut sembler louche, non !?
MARINA: Je ne vois pas ce qu'il y a de louche !
DIMITRI: Son décès. C'est son décès qui est louche. On n'a jamais vraiment élucidé cette affaire !
MARINA: Et alors ? Vous êtes flic ?
DIMITRI: [Après un temps] Non.
MARINA: Alors, fichez moi la paix et occupez-vous de vos oignons. Ce serait plus judicieux de m'aider à préparer l'émission de demain
DIMITRI: C'est ça, en fait, vous n'êtes pas à moitié dingue, vous l'êtes complétement ! On m'avait pourtant prévenu, mais je ne voulais pas le croire
MARINA: Qui vous avait prévenu ?
- - - NOIR - - -
Le cadran annonce 17:15. Un temps. La lumière revient.
Dimitri bidouille un tas de câbles, tandis que Marina s'impatiente autour de lui.
MARINA: Bon, dépêchez-vous, nous allons rater notre rendez-vous quotidien
DIMITRI: Franchement, ça ne se bouscule pas sur la grille des programmes, alors même si on avait un peu de retard...
MARINA: Il n'en est pas question. L'exactitude est la politesse des rois. Si on veut fidéliser un public, il faut s'en tenir à des horaires fixes
DIMITRI: Avant de le fidéliser, il faudrait déjà le trouver. Et puis, ce n'est pas de ma faute si ça ne marche pas
MARINA: Ça marchait encore hier
DIMITRI: Parce que c'était hier. Hé, je suis archiviste, moi, pas technicien. Ce n'est déjà pas si mal que je sois parvenu à brancher ces écrans
MARINA: Tiens, allumez-les, justement. Je sens que c'est le bon moment
DIMITRI: Encore une de vos intuitions foireuses !? Vous allez me faire le coup tous les jours ?
MARINA: [minaudant] Je vous en prie...
De guerre lasse, il allume néanmoins quelques écrans: on y retrouve les mêmes images désolantes de fins du monde
DIMITRI: N'espérez pas que ça tienne bien longtemps. C'est du bon bricolage, mais, il a ses limites. Le groupe électrogène ne va plus tarder à rendre l'âme.
MARINA: Oh, regardez, ça a bougé !
DIMITRI: Allons bon, ça la reprend. Vous avez des hallus, ma pauvre. Faut dire qu'à force d'être enfermés. Et ce n'est pas avec ce qu'on mange...
MARINA: Ce ne sont pas des hallucinations. Venez voir, je vous dis. J'ai vu passer une silhouette. Comme un homme qui porte un sac
DIMITRI: Sûrement le père noël qui cherchait son traîneau. Après tout, c'est de saison.
MARINA: C'est ça, moquez-vous, c'est tout ce que vous savez faire. [elle désigne un écran] Tenez, là ! Vous allez voir que je ne délire pas ! ...Mais venez voir, bon sang !
DIMITRI: Oui, oui, j'arrive.
Il s'approche, mais l'écran s'éteint subitement
DIMITRI: Allez, adieu Paris !
MARINA: Paris s'éteint ? Qu'est ce qu'il se passe ?
DIMITRI: Je vous ai prévenu, le générateur est en bout de course. Ça sent la fin de programme !
Les autres écrans s'éteignent tour à tour
DIMITRI: Salut Berlin ! ... Bye bye New-York... Adios Madrid ! Moscou, salutasky... Heu... comment dit-on en russe ?
Silence.
Un seul écran reste allumé.
MARINA: Regardez, Londres est encore en ligne. C'est curieux, non !
DIMITRI: Ce n'est qu'une question de temps
MARINA: Vous voyez quelque chose ? Regardez bien, au pied de Big Ben.
Dimitri s'approche pour détailler l'image. Le dernier écran s'éteint aussi.
DIMITRI: Trop tard !
MARINA: C'est quand même incroyable tout ça. Je veux dire, que nous soyons les deux seuls survivants de ce carnage. C'est... c'est vertigineux.
DIMITRI: Oui, on est un peu comme Adam et Ève... mais à l'envers ! [Un temps]
MARINA: Si c'est une façon détournée de me proposer de repeupler la planète, je vous préviens tout de suite, vous pouvez vous la caler sur l'oreille. Ne comptez pas sur moi pour la bagatelle !
DIMITRI: Oh, certainement pas. Et puis, avec une personnalité comme la vôtre, c'est un coup à nous pondre un taré. Ah, elle serait belle la relève ! Vous étiez moins farouche avec le père Debauche !
MARINA: Je croyais que vous dormiez...
DIMITRI: C'est qu'il s'en dit des choses dans les couloirs de la chaîne... C'est comme pour Rudyard, c'est un secret de polichinelle
MARINA: Mais qu'est-ce que vous m'emmerdez encore avec ça ? Je trouve votre curiosité assez déplacée, mon petit vieux. Vous auriez dû être flic !
Elle s'immobilise soudain, prise d'un doute.
MARINA: Dites donc, vous... Vous ne seriez pas en train de me mener en bateau, par hasard ?
DIMITRI: Pardon ? ... Vous voulez dire que tout ça serait mon ouvrage ? Je ne vois pas comment...
Interrompant leur dispute, on frappe à la porte vitrée, derrière laquelle, malgré une brume épaisse, on devine une silhouette humaine
MARINA: Regardez, il y a quelqu'un. Il faut lui ouvrir !
DIMITRI: Et comment ? Je vous rappelle que vous avez cassé la poignée
MARINA: Il doit bien en rester un bout de l'autre côté...
Elle tente de parler à la silhouette à travers l'épaisseur de la vitre.
MARINA: Vous voyez la poignée ? Essayez de l'actionner !
DIMITRI: Il ne vous entend pas !
MARINA: Qu'en savez-vous ?
On entend la silhouette s'acharner sur la poignée. En vain.
MARINA: [à la silhouette] Purée, mais faites un effort, vous. Si vous n'arrivez pas à la baisser, essayer de la monter. [à Dimitri] Non, mais c'est pas possible d'être con à ce point-là.
DIMITRI: Si vous lui parlez comme ça, il ne va pas insister bien longtemps.
MARINA: C'est un manchot, ma parole
DIMITRI: Je crois surtout qu'il suffoque. Regardez, il va bientôt s'écrouler
Derrière la vitre, la silhouette s'affaisse lentement... comme en train de fondre.
MARINA: [cognant à la vitre] Non, non, non... [au bord de l'hystérie] Mais, ouvrez donc cette putain de porte, bordel de merde !
La silhouette s'étale à même le sol. Puis, plus rien ne bouge.
Un temps.
MARINA: Mais, il roupille ce con, ou quoi ?
DIMITRI: Il faut vous rendre à l'évidence, Marina, il ne se relèvera plus. C'est fini, on n'a plus les moyens de communiquer et plus personne ne viendra nous chercher. Faites vous une raison.
MARINA: Toujours aussi optimiste, à ce que je vois! ...Ça doit être rigolo les vacances avec vous !
DIMITRI: Parlez-moi plutôt de Rudyard, tiens. Parce que pour les vacances, ce n'est même plus la peine d'y songer.
MARINA: C'est une idée fixe ma parole ! Vous êtes de sa famille ? Vous le connaissez personnellement ?
DIMITRI: Non. Mais, depuis que je me suis penché sur votre cas, cette histoire m'intrigue.
MARINA: Mon cas ? Et de quel droit vous êtes-vous "penché sur mon cas" ? Vous ne seriez pas un peu fouille-merde sur les bords ?
DIMITRI: Je suis archiviste, n'oubliez pas. Et pour tout vous dire, Debauche avait démarré une petite enquête sur vous
MARINA: Sur moi ?
DIMITRI: Surprenant, n'est-ce pas ? Et encore, je vous gardais le meilleur pour la fin. Figurez-vous qu'il pensait que vous aviez votre part dans le meurtre de Rudyard.
MARINA: Le meurtre ? Vous y allez un peu vite en besogne, vous.
DIMITRI: Non, c'est la thèse officielle. Même la police était sur vos traces !
MARINA: Comment Debauche a-t-il pu imaginer une chose pareille ?
DIMITRI: C'est vrai qu'il avait beaucoup d'imagination. Mais, je suppose que ce soi-disant entretien d'embauche avait pour but de vous questionner !
MARINA: Quel petit malin, ce Doudou ! Et il y serait certainement parvenu. Je suis tellement naïve quand on me prend par les sentiments.
DIMITRI: Parvenu à quoi ?
MARINA: Oh puis vous me faites chier. À me faire avouer, évidemment. Ça oui, avec son sourire charmeur et son œil coquin, il savait y faire. Mais de toute façon, à quoi bon, maintenant !?
DIMITRI: À quoi bon, quoi ?
MARINA: À présent, tout ceci n'a plus d'importance. Vous voulez un scoop ? Asseyez-vous, je vais vous cracher le morceau.
DIMITRI: Tiens donc
MARINA: Si c'est l'apocalypse, on est plus à un petit pêché près ! Alors, oui. Oui, c'est bien moi qui l'ai buté, le vieux Rudyard ! Vous aviez raison, ça n'avait rien d'un accident. Je lui ai collé du Strychonibutal dans son verre. Un poison parfaitement indétectable qu'il avait lui-même rapporté de je ne sais plus quel trou du cul du monde. Vous saviez que c'était un grand voyageur !?
DIMITRI: Mais pour quelle raison ?
MARINA: Parce qu'il aimait les voyages, la bonne blague. Ça n'a rien d'extraordinaire.
DIMITRI: Non, pourquoi le tuer ? Un assassin a toujours un mobile, paraît-il !
MARINA: Il devait me coucher sur son testament, le salaud. Une fortune pareille, ça ne se refuse pas. Il me l'avait promis et, moi, bonne poire, je l'ai cru. Ce n'est qu'après sa mort que j'ai compris qu'il n'en avait rien fait. [guettant l'approbation de Dimitri] Franchement, si c'est pas du vice, ça.
DIMITRI: Ouais. En tous les cas, c'est pas joli-joli !
MARINA: Parce que vous êtes un saint, vous, peut-être ! Au point où on en est, j'imagine que le bon dieu ne fera pas trop le difficile. Surtout si nous sommes les deux seuls rescapés.
DIMITRI: Le bon dieu, je ne sais pas, mais, le juge, croyez-moi qu'il ne va pas vous louper !
MARINA: Le juge ? ...Quel juge ?
DIMITRI: Celui qui aura à traiter votre affaire.
Silence.
MARINA: [avec ce sentiment étrange d'avoir été manipulée] Mais... de quoi parlez-vous ?
Dimitri sort un petit boîtier de sa poche. Il appuie sur un bouton, reconnectant le signal vidéo des écrans et réinitialisant le cadran à 14 :05.
DIMITRI: [rembobinant son magnétophone] "Je lui ai collé du Strychonibutal dans son verre. Un poison parfaitement indétectable qu'il avait lui-même rapporté...". Ça m'a l'air très éloquent !
Derrière la porte vitrée, la silhouette se redresse et ouvre la porte sans difficulté. Puis, entre.
DIMITRI: [parlant dans son boîtier] Lundi 23 décembre, 14h05. Fin d'interrogatoire de Marina Holmes, présumée suspecte dans l'assassinat de Rudy Rudyard...
La silhouette retire son épaisse parka, sous laquelle apparaît un uniforme de policier. Le flic sort des menottes de sa poche et s'approche de Marina, sidérée.
DIMITRI: [idem] Au terme de l'audition, qui aura duré trente-deux heures et vingt-cinq minutes, ladite suspecte a reconnu le meurtre du susnommé. Tous les aveux sont consignés sur nos bandes magnétiques. Dossier 713, résolu. ...À vous le central !
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